Collectivité et autoconsommation
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Comparée à d’autres voisins européens comme l’Allemagne, la France n’est pas à la pointe de l’autoconsommation et plus particulièrement de l’autoconsommation collective. Mais le secteur est appelé à se développer. En effet, en 2018, les premières délibérations concernant l’autoconsommation collective publiées par la Commission de Régulation de l’Energie (CRE) favorisent le développement de l’autoconsommation en France. Cependant, certains professionnels du secteur, notamment les fournisseurs d’énergie, s’en inquiètent un peu. Les installateurs spécialisés dans les énergies renouvelables, comme AB Services, se voient plutôt satisfaits des mesures prises.
Bien entendu, l’autoconsommation collective n’en est encore qu’à ses débuts en France. Elle est seulement testée dans quelques villes comme Nantes, Bordeaux ou Lyon Confluence, mais cette nouvelle manière de produire et de consommer l’électricité constitue l’avenir de la transition énergétique et bouleverse le marché de l’électricité actuel.
L’autoconsommation collective : qu’est-ce que c’est ?
Ce dispositif consiste, pour plusieurs producteurs et consommateurs d’énergie, à s’unir au sein d’une même personne morale pour partager l’énergie solaire produite ensemble. Des panneaux photovoltaïques sont installés sur le toit d’un immeuble, par exemple. Lorsqu’ils produisent de l’électricité, celle-ci est comptabilisée par le compteur Linky d’ENEDIS puis répartie automatiquement toutes les 30 minutes sur les différents points de consommation des parties communes.
A terme, les résidents pourront également intégrer ce dispositif. En tant que tiers de confiance ENEDIS, entreprises de services publics en charge de la distribution d’électricité, assure la répartition entre la production et les consommations selon les modalités du site. Lorsque la production d’électricité est plus importante que les besoins, l’électricité est réinjectée sur le réseau. Dans le cas contraire, le réseau couvre les besoins en énergie.
De plus, l’autoconsommation collective est particulièrement intéressante pour les entreprises dont les pics d’activité coïncident avec les pics de production d’électricité solaire.
En effet, le plus gros de la consommation électrique pour les entreprises se fait pendant les horaires d’ouverture, entre 8h et 19h, ce qui leur permet de faire des économies sur leurs factures, qui sont, d’ailleurs, souvent très élevées. En plus, comme il est possible de revendre le surplus produit par les panneaux, les entreprises, qui sont fermées les soirs et les weekends, peuvent générer du profit grâce à la consommation des particuliers qui sont chez eux pendant ces horaires.
Cependant, ce changement de système de consommation de l’énergie aura un impact fort sur le marché de l’électricité.
Son impact sur le marché de l’électricité
L’autoconsommation, et en particulier collective, va impacter le modèle économique des trois types d’acteurs du marché de l’électricité :
- Les consommateurs : ces derniers ne seront plus de simples consommateurs, mais plutôt des « consom’acteurs ». En effet, cela implique un changement de rôle des consommateurs sur le marché, mais aussi au niveau de leurs nouvelles responsabilités vis-à-vis des gestionnaires de réseau. Cela signifie que les consommateurs, regroupés au sein d’une personne morale, devront s’investir dans leur projet. Ils devront s’intéresser à la technique et s’équiper en conséquence pour s’occuper de la gestion physique des flux, de leur comptage et de la tarification. Enfin, ils devront s’assurer de la rentabilité du projet. Pour ce faire leur conseille d’investir dans des batteries de stockage qui permettent d’améliorer le taux d’autoconsommation (10 à 20% sans stockage et 50 à 90% avec). Bien sûr, l’investissement sera plus conséquent, mais la rentabilité permettra de l’amortir plus rapidement.
- Les fournisseurs : comme elle permet aux particuliers de produire et de directement consommer leur électricité, les fournisseurs devront plutôt s’improviser en fournisseurs de services énergétiques à haute valeur ajoutée qu’en simples fournisseurs d’électricité. Ils devront donc adapter leurs systèmes d’information, leurs processus et leurs interfaces clients.
- Les gestionnaires de réseau de distribution et de transport : avec elle, la demande en énergie est plus volatile. De ce fait, l’équilibre du réseau doit être accru. Les gestionnaires de réseau de distribution et de transport devront donc adapter leur processus de facturation et de reconstitution des flux. Cela constitue d’ailleurs un premier pas vers les microgrids (« réseau de distribution d’énergie qui repose sur des moyens locaux de production d’électricité et de chaleur » Engie).
L’autoconsommation collective, un acteur majeur de la transition énergétique, l’exemple de l’Allemagne
L’Allemagne, un cas d’école ?
Comme vu plus haut, l’Allemagne est un cas intéressant avec sa puissance photovoltaïque sept fois plus importantes qu’en France. Il faut savoir que l’autoconsommation est le régime de base depuis 2012. De plus, on recense plus de 500 000 autoconsommateurs en Allemagne alors qu’ENEDIS, dans un chiffre récent, avancent à peu près 20 000 autoconsommateurs en France.
Bien sûr, il y a plusieurs explications à ce qui peut sembler étonnant. Il faut d’abord rappeler que le prix du kilowattheure pour les particuliers est deux fois plus élevé en Allemagne qu’en France. On comprend que si le prix d’une installation photovoltaïque est relativement peu cher, ce qui est le cas globalement dans le monde aujourd’hui, il est plus intéressant de ne pas soutirer l’électricité du réseau, mais plutôt de consommer sa propre production.
De plus, l’Allemagne dispose d’un historique de partage, de production et d’autoconsommation orienté sur la cogénération depuis les années 70. La nouveauté de juillet 2017, c’est que l’Allemagne a décidé de favoriser l’autoconsommation collective pour les locataires, avec sa loi Mieterstrom. Même si cette évolution récente connaît une adhésion relativement mesurée à ce stade, il est très intéressant d’observer la diversité des mécanismes incitatifs employés pour accélérer la transition énergétique.
Ensuite, elle modifie le système en profondeur. Au-delà du changement du comportement des consommateurs qui deviennent « consom’acteurs », les fournisseurs historiques, pour conserver la relation avec le client, devront diversifier leur offre.
On observe également que les industriels utilisent également l’autoconsommation comme un vecteur complémentaire de réduction de coûts. Les collectivités locales et Stadtwerke en Allemagne utilisent également l’autoconsommation dans le cadre de leurs réflexions sur les « smart cities ». De manière plus inattendue, les acteurs de l’immobilier utilisent également l’autoconsommation dans le cadre d’un renouvellement de la proposition de valeur associée au bâtiment intelligent et c’est sans doute là que les changements les plus importants sont à attendre.
Ce qui est également intéressant à observer, c’est la diversification des offres en Allemagne depuis la simple pose d’un panneau photovoltaïque jusqu’à la proposition de plateformes d’échange en temps réel entre un producteur et un consommateur avec des promesses d’autoconsommation du système autour de 90%.
Du coup, où en sommes-nous en France ?
Les impacts sur tous les acteurs Outre-Rhin sont largement extrapolables en France, le phénomène est tangible. Le prix des panneaux photovoltaïques est faible, la parité réseau est parfois atteinte en France, il existe des offres d’autoconsommation et on a vu récemment des expérimentations sur l’autoconsommation collective à Bordeaux ou à Nantes notamment. Plus largement les réflexions autour de l’autoconsommation battent leur plein en France autour des modèles d’affaires à développer, des niveaux d’incitation à appliquer et de la prise en compte de l’impact de l’autoconsommation sur les réseaux qui est un point crucial. La Commission de Régulation de l’Énergie vient de rendre un premier délibéré le 15 février 2018 destinée à simplifier le mécanisme tout en garantissant le bon fonctionnement du système et en offrant un cadre économique stable et robuste.
L’autoconsommation collective représente donc un réel potentiel face au défi de la transition énergétique. Cependant, c’est un véritable bouleversement qui nécessite des adaptations technologiques comme la gestion intelligente des flux qui peut, par exemple, passer par la blockchain. De même, il existe d’autres limitations comme la mise en place de l’autoconsommation collective à l’échelle d’un quartier ou même d’une métropole, mais la CRE y est encore opposée. Enfin, les différents acteurs du marché de l’électricité doivent s’adapter à cette nouvelle façon de produire et de consommer l’énergie.
Il est donc difficile de dire ce que sera le futur. L’autoconsommation collective n’est pas qu’un mécanisme purement économique, mais on assiste d’ores et déjà à des mouvements vers des relations plus horizontales qu’auparavant, moins centralisée. On suit avec attention et intérêt les développements de cet axe prometteur.
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